vendredi 31 août 2012

Monsieur Taillibert et ses programmes sportifs

Roger Taillibert fait partie de la Great Team de ce blog. Nous évoquons le plus souvent possible l'œuvre magistrale et puissante de cet architecte et nous allons une fois de plus voir que les cartes postales ont su lui rendre à leur tour un témoignage vibrant en publiant, certainement sous la pression de son architecture spectaculaire, de nombreuses images.
Commençons :



Nous reconnaissons ici les très belles coques de l'ensemble du centre sportif de Chamonix. Depuis cette carte postale Cap dont le cliché est dû à Monsieur J. Lang (certainement pas l'ancien Ministre de la Culture !)
On admire le dessin du plan, la succession des triangles qui s'emboîtent selon le programme, la parfaite maîtrise de ce jeu plastique et l'audace fine des coques blanches de béton qui réussissent l'exploit d'une intégration jouant... d'une rupture avec son environnement fort : la montagne.
Ne dirait-on pas depuis cette hauteur, une œuvre découpée dans du papier, comme un pliage japonais ?
Une autre "collerette":



Les amateurs du sport que je crois on appelle foutebôle auront reconnu le stade du Parc des Princes. Les éditions Chantal (grand éditeur) nous livrent là une bien belle carte postale nous permettant d'observer le principe constructif et plastique de ce très beau stade dont la reconversion prochaine en première "place de lecture publique" est maintenant avérée.
On regardera là aussi l'extrême finesse du squelette. Si nous comparons le volume global à la quantité de matière (béton) nous sommes bien dans un rapport qui se rapproche de celui des travaux en papier ou en tissu. Ici, les forces remplacent les matériaux. Le dessin des arcs qui forment en succession les gradins du stade est remarquable également. D'une grande élégance, élancé, ce dessin donne l'image
dynamique d'un déploiement comme une sorte d'accordéon, de pliage ouvert. Nous trouvons de superbes photographies de Gilles Ehrmann dans le numéro 164 (1972) de l'Architecture d'Aujourd'hui :









un dessin technique :




Nous poursuivons avec une carte postale vraiment étrange :



Cette édition Cap nous montre quoi ?
Elle nous montre l'entrée de la piscine de Deauville qui est également un autre superbe morceau de Roger Taillibert. Mais pourquoi diable ce cadrage ? Pourquoi, alors que la piscine déploie des formes audacieuses si souvent d'ailleurs représentées en carte postale vouloir faire cette image un rien... inattendue sur une partie certes importante mais qui ne dit pas grand-chose de cette piscine ?
Regardez comme tout est cerné dans un immense cadre sombre, on devine à peine la piscine à l'arrière plan... Une carte postale qui cherche à être moins servile à l'audace de l'architecture... ? Mais, me direz-vous, il s'agit là aussi de l'architecture de Roger Taillibert et cette image ne fait que rendre compte d'un des moments de cette piscine. Sans doute que le passage par cette entrée sombre permettait de créer une sorte de sas contrastant avec la "révélation" de l'espace même des bassins. Peut-être... On notera que l'architecte est nommé sur cette carte postale expédiée en 1968. On retrouve ce volume de l'entrée ici :


La carte postale Yvon expédiée en 1973 nous montre un peu mieux la couverture de la piscine en l'opposant étrangement à la sculpture qui semble fuir l'image. On préférera aller là pour retrouver au mieux la beauté de cette architecture.

jeudi 30 août 2012

Monument Vadorien

Après la mort rédemptrice du grand Dark Vador, la rébellion décida d'offrir sous la pression populaire un monument commémoratif au plus grand Chevalier Jedi.
Un concours intergalactique eut donc lieu et de planète en planète les propositions des plus grands artistes de la lignée des padawans plasticiens se mirent sur les rangs.
Luke Skywalker ne put malheureusement suivre directement cet hommage car il devait maintenant s'occuper de la remise en place de la République dans un Empire dévasté mais enfin libre.
On chargea donc Leia de suivre ainsi le concours du monument qui devait perpétuer la mémoire de Vador, son père.
On avait dans le règlement bien stipulé qu'aucun des monuments ne devait reprendre l'image ou le portrait du Seigneur du Côté Obscur afin de ne pas idéaliser sa figure au profit de sa rédemption qui elle, devait être au centre de la construction.
Pourtant bien trop de monuments et d'artistes, sans doute dans un vrai désir de faire bien, ne purent s'empêcher de représenter l'élève d'Obi-Wan Kenobi.
La Princesse Leia après plusieurs visites où elle dut faire semblant de ne pas voir ces errements pour ne pas troubler la compassion et la profondeur de ces hommages trouva deux projets particulièrement intéressants et dignes de Dark Vador.
Le premier projet situé sur la planète Endor 2 à trois parsecs du second système solaire était une réalisation audacieuse sculptée dans le minerai le plus pur de la Planète Mustafar, œuvre d'un très jeune artiste âgé seulement de 127 ans ce qui pour son espèce (les spomédiks) était à peine l'adolescence.



Ce projet avait la particularité d'être un agrandissement hors d'échelle d'une des pièces maîtresses du sabre laser de Vador : le commutateur. Seule pièce d'ailleurs revenue de la dépouille de Maitre. Leia trouva là une belle manière de constituer un monument citant directement le père de Luke en empruntant à la fois au vocabulaire du guerrier et du Jedi de ce dernier. Kozara le jeune artiste Jedi précisa qu'on pourrait parcourir l'œuvre et que, au sommet lorsque le solstice des trois soleils aurait lieu une colonne de lumière rouge monterait vers le ciel imitant ainsi le laser du sabre de Vador.
La simplicité du jeune Jedi, sa pudeur touchèrent vivement la Princesse et elle pensait bien là tenir enfin un symbole fort pour dire la reconnaissance de la jeune démocratie à son père défunt.
Mais il fallait en voir d'autres...
Sur la planète Sutjeska éloignée pourtant de 6 parsecs légaux de la précédente, Leia découvrit un monument qui, immédiatement lui retourna le cœur. Deux immenses blocs de marbre cryptique blanc si renommé dans l'ensemble de la galaxie pour sa luminosité s'écartaient, se fragmentaient pour laisser passer les visiteurs vers la vallée et les deux blocs de la montagne.



La symbolique était claire. Une solidité qui laisse passer les humbles visiteurs, comme la menace effacée et disparue du grand Vador. La blancheur venant parfaitement contrarier la noirceur historique de ce dernier. L'artiste Miradrag était en fait constitué d'une miryade d'êtres minuscules qui formaient une entité unique seulement aux instants de communications avec les autres espèces.
Leia croyait bien tenir là enfin le monument parfait.
Elle présenta donc les deux projets retenus à son frère jumeau Luke qui ne sut choisir devant tant de beauté, de grandeur et d'humilité Jedi. L'art de la confrérie était bien à son apogée.
On ne décida rien. Les deux monuments furent finalement reconnus officiellement par la nouvelle assemblée comme "dignes de l'héritage du plus grand des Jedi". De plus étant très éloignés l'un de l'autre, il était ainsi permis  à l'ensemble de la galaxie de rendre hommage plus facilement à Dark Vador.
Lors de cérémonies parfaitement réglées suivant les usages et les codes Jedi, on officialisa enfin les deux sites comme lieux de mémoire.
Mais, comme l'exige la tradition Jedi aucun des deux monuments ne comportait le nom de Vador, ni son histoire. Vador était maintenant un esprit puissant au service de la Force que seuls les Jedis pouvaient invoquer.
On dit, pourtant, qu'à chacune des manifestations, on put percevoir Vador et Yoda réunis autour de Luke et de Leia. C'était il y a longtemps, très longtemps...

mercredi 29 août 2012

Grenoble en Congrès H.L.M

Dans un envoi bien senti de Claude Lothier, je trouve une petite suite de cartes postales sur Grenoble bien intéressantes quant à leur mode de diffusion.
Les quatre cartes postales comportent en effet au verso, la mention suivante imprimée en rouge : "XXIXème congrès national H.L.M Grenoble juin 1968"




Les quatre cartes postales sont toutes des vues aériennes imprimées par Combier (Cim) en Cimcolor, en hélio donc. On notera que Grenoble est inscrit sous les cercles des jeux olympiques et comporte bien la mention "ville olympique".
Ce qui est troublant c'est que les images ne semblent pas imprimées spécialement pour l'occasion de ce congrès. Il pourrait donc s'agir d'une impression spéciale du bandeau du congrès sur des images existantes par ailleurs. Pourtant le choix de ces images de la ville laisse un peu de place aux représentations du logement si on regarde bien...
Commençons :



Cette vue nous montre le quartier de l'île verte avec les trois belles tours de messieurs Anger et Puccinelli architectes que nous avions déjà visées ici et ici. Une barre très longue serpente au pied de celle-ci. Est-ce là l'objet "H.L.M" de cette carte postale ?



Puis :


Cette fois c'est le campus universitaire qui est l'objet de cette carte postale de Grenoble. Y aurait-il eu au cours de ce congrès des questions soulevées sur le logement étudiant ? Difficile de regarder et donc de s'attarder sur l'architecture depuis ce point de vue.
Et maintenant :



Le quartier de l'église saint-Jean nous donne l'occasion de retrouver une amie. On voit en effet parfaitement cette église dans son contexte urbain, église que nous avons souvent évoquée sur ce blog tant son architecture et son histoire sont intéressantes. Mais est-ce bien elle la star de cette image ou bien les immeubles qui l'entourent ?



Enfin et c'est bien beau :



Voici le stade de glace depuis le ciel, ce qui nous permet d'admirer sa magnifique couverture en béton d'une incroyable beauté. On retrouvera sur cette carte postale également l'architecture de Monsieur Novarina pour l'hôtel de ville et la tour de la houille blanche par Monsieur Perret !
Un vrai spot pour ce blog !





Rappelons que les architectes du stade de glace sont messieurs Demartini et Junillion ici orthographié Junillon.
Je trouve sur un site un porte-clef édité à l'occasion de ce Congrès ! Cela prouve bien que des objets dérivés étaient diffusés lors de cet événement, sans doute pour que les congressistes puissent rapporter à la maison la preuve de leur forfait. A moins que, quelques clefs d'appartements H.L.M se soient vues ornées de ce beau grigri pour fêter la prise de possession d'un logement !
Nous reste à remercier Claude Lothier pour ce bel envoi. Il y aura encore de quoi piocher dedans ! Allez faire un tour sur son site si vous ne le connaissez pas encore !


mardi 28 août 2012

Duchamp, du SITE

D'abord vous allez voir une carte postale étonnante autant par l'objet architectural que par le fait qu'il puisse en exister une image de ce type.
Il s'agit en effet d'une carte postale représentant l'un des magasins BEST à Houston par le groupe SITE (1975). La carte postale est du type de celles décrites hier, une carte postale provenant d'une collection d'un éditeur allemand "Die Zweite Moderne" certainement disponible dans les musées et institutions et bien évidemment pas distribuée ni par BEST ni dans la ville de Houston. Enfin, on peut penser aussi qu'il puisse en exister de la sorte...
La photographie de cette carte postale est réalisée par le Groupe SITE et donc nous montre le point de vue des concepteurs. Il faudra parler de cela aussi.
Regardons :



La carte postale ne fait pas beaucoup mieux que le regard et sans doute la photographie accentue le jeu de la ruine, l'amusement et l'humour de cette façade qui s'écroule. Pourtant en même temps que l'on constate cet accident architectural on sait immédiatement sa fausseté. L'illusion n'est que de code, il n'est pas question ici d'imitation de la ruine. On joue à faire semblant, on s'amuse avec le spectateur, on n'essaie pas de le gruger. Il s'agit d'une impression, pas d'un effet hollywoodien voulant nous faire croire en la réalité du leurre.
Ce n'est pas pour rien que James Wynes dans les textes publiés dans Architecture d'Aujourd'hui nomme Marcel Duchamp. Ce jeu permanent entre réalité, imitation, illusion et nomination sont sans doute l'une des articulations de ce groupe. Mais c'est aussi un arbre qui cache la forêt un peu à la manière d'une peinture de Magritte car la réflexion d'usage, la perception de l'urbain, le rôle programmatique n'est jamais oublié par le groupe Site qui, malheureusement, se fait déborder par l'image même de ce qu'il produit. Ses façades pleines d'humour pour Best sont bien des façades de leur réflexion. Pourquoi alors même que l'intelligence des réflexions portées sur les programmes architecturaux ne fait pas de doute, ce Groupe Site se croit-il obligé de le cacher par un jeu d'images, une plaisanterie ?
C'est bien que sans doute, d'une certaine manière c'est là son point duchampien : la remise en cause d'un art qui s'épuise doit se faire non pas par une logique de destruction totale des acquis de la Modernité mais par un biais plus puissant (plus populaire aussi) : l'humour.
Car être iconoclaste n'est pas d'utilité dans un art qui est le seul vrai art public comme le réclame haut et fort James Wynes. Il faut à la fois offrir l'espace d'un doute pour permettre (sans doute) de prendre le problème de l'invention permanente, du désir de modernité avec l'ensemble des usagers de cet art. Et là pourrait bien être l'écueil de ce type d'image. L'image est plus forte. L'échec de Duchamp (oui) est du même ordre. A vouloir moquer l'académisme d'une posture moderne sans fin, il devient cynique et prend le risque de n'être que le type qui exposa un bidet. Il préférera ne rien changer à cet héroïsme artistique alors même que dans un secret (contraint ?) il poursuivait un travail artistique tout en laissant croire qu'il ne faisait rien d'artistique...C'est la même chose ici. On finira par se souvenir du Groupe SITE comme ceux qui faisaient des magasins en forme de ruines alors même que leur travail de réflexion urbaine et architecturale est d'une complexité bien plus grande, bien plus fine. C'est le risque des images. Pourtant cette photographie de carte postale nous donne un signe de cette réflexion. Nous sommes à hauteur d'une automobile sur le parking et nous regardons de loin le magasin. De loin ainsi nous le percevons dans sa globalité, dans son décor mais également dans sa fausseté. La qualité des réalisations du Groupe SITE est totalement déterminée par les modes de perception. Dans un texte absolument remarquable, quoiqu'un rien obsolète sur la question de l'informatique, James Wynes parle de l'importance de la perception de l'architecture au travers des pare-brises des automobiles !
(Merci chère intuition !) Je ne peux malheureusement vous le donner à lire dans son entier mais la question est primordiale. La réponse...
Car il s'agit bien là de produire une architecture qui met en cause à la fois l'image de marque d'un groupe (et ici la réponse pourrait bien être du côté de Warhol feignant de dénoncer la société de consommation en se roulant dedans) mais aussi une architecture qui offre à ceux qui la pratiquent un moment différent, une stratégie de l'étonnement et donc un effet de communication (le mot affreux et la chose affreuse) qui feront une sorte de mise en scène du geste quotidien. Et je vous vois venir... Car ici, le magasin Best ne remet pas en question la fonction commerciale, la dérive consumériste américaine. Non, il ne fait que l'offrir autrement dans une sorte de jubilation qui, si elle joue du symbole de sa ruine ne fait finalement que la construire autrement et donc... y collaborer. C'est l'Amérique. Et, comme à la fin des grands films du génial Spielberg il ne sert à rien de s'étonner que cela finisse bien, il ne sert à rien de s'étonner que des architectes américains tout en ayant des propos et des réalisations remettant en cause la place de ce type d'architecture dans le paysage ne font rien d'autre que d'en installer d'autres ! C'est là aussi une position duchampienne :  ne pas cesser de dire qu'il ne faut rien faire tout en continuant de faire quelque chose en se moquant de vous en train de tenter de ne rien faire et d'imiter une posture qui n'est pas assumée par son initiateur. (et c'est tant mieux). Les imitateurs font toujours un Art de façade. Ce que ne fait pas le Groupe SITE dont il faut vraiment déborder la question de l'image pour retrouver l'intelligence des plans, les subtilités des matériaux (de leurs images aussi c'est vrai) et la volonté de faire une architecture sensible et même sensuelle (débordant le sensationnel). Mais on peut par vrai cynisme préférer ça :



Nous sommes à Avignon devant un supermarché Casino. Mais pourquoi je précise ? Comment pourrait-il en être autrement puisque la seule valeur esthétique de cette image et même de cette construction est bien son inscription, sa nomination en lettres rouges sur fond jaune cuivre. Rien de plus rien de moins. Impossible de dire de cette architecture : ceci n'est pas un supermarché et là aussi Magritte serait bien triste. Il y a des objets qui sont ce que sont leur image. Par exemple : ce mug est bien un mug...



Et avec l'exemple d'Avignon on ne peut rien, vraiment rien dire de l'architecture. On admirera surtout l'incroyable rangée de jardinières qui dirige les automobilistes vers la pompe à essence et c'est sans doute la seule réflexion posée sur le tissage de la ville par cette architecture...
Alors, sans aucun doute j'aime mieux le Groupe SITE. J'aime leur humour décadent un rien dandy. Et même si la révolution n'a pas eu lieu et que nos campagnes s'emplissent de boîtes à chaussures dont on finira bien par en aimer quelques-unes, je trouve que les architectures produites par le Groupe SITE ont le mérite d'une tentative, d'une réflexion et d'un onirisme qui me comble.
Bien à vous.
Voici quelques images parues dans l'Architecture d'Aujourd'hui :








lundi 27 août 2012

ce fut une Présence Urbaine

Voici trois cartes postales un peu particulières qui ont comme postulat de départ d'être à part dans ce domaine, de faire œuvre de création, bref comme diraient les jeunes d'aujourd'hui, trois cartes postales qui se la pètent un peu.
Nous savons, maintenant que nous regardons avec attention les cartes postales de constructions modernes et contemporaines, qu'il y a en effet les cartes postales qui font simplement leur travail d'état des lieux, celles dont l'objectif essentiel est de placer la construction dans son époque et de servir de repère de lieu et de temps aux correspondants. Une sorte de "C'est ici et maintenant".
Ces cartes postales nous l'avons vu ne déméritent pas, loin de là, d'un point de vue photographique et font même parfois la nique joyeusement aux courants photographiques savants et cultivés démontrant que leur forme est bien plus riche qu'il ne semble y paraître. Nous avons vu comment certains des très grands photographes vont jusqu'à les considérer comme des œuvres à part entière. (Martin Parr, Walker Evans...)
Mais il y a bien un autre type de cartes postales, celles qui veulent dès la prise de vue se détacher de ce modèle imprécis. Elles jouent un peu à des éditions d'artistes, s'expriment dans des cadrages osés, offrent des détails, jouent à l'abstraction, semblent s'adresser à un public exigeant une relative originalité du point de vue, des gens ayant su voir ce que le commun n'a pas vu d'une construction. Certaines lignes éditoriales sont spécialisées dans ce type de cartes postales qu'un peu vite nous pourrions qualifier d'artistiques. Je crois même que certaines de ces cartes postales ont pour objet de faire de la beauté avec ce que le commun considérerait comme laid. Elles voudraient faire preuve d'un regard donnant à la photographie la chance de sauver une construction par un jeu savant des lignes, des couleurs, du cadrage.
Je vous propose donc trois cartes de ce type, sur la même construction malheureusement disparue : le Forum des Halles à Paris.
Regardons :


Ce très osé point de vue sur les parasols (parapluies ?) de Jean Prouvé pour Monsieur Vasconi nous vient des éditions de l'Escargot, 9 passage Cardinet à Paris. La maison d'édition ne précise ni le nom des architectes, ni le nom de son photographe d'ailleurs. Elle parle du quartier des Halles et d'un gros plan... Oui, c'est bien cela que l'on voit. On pourrait avancer une analyse formelle de la sorte : un éclair de verre zigzagant au premier plan vient toucher les courbes en rayons du parasol (parapluie ?). L'opposition formelle est simple mais bien vue et toute l'image tire vers un gris-bleu assez réussi. Et, il faut le dire, c'est un beau cadrage qui a le mérite aussi de nous permettre de comprendre le mode constructif de l'ensemble. Une sorte d'esthétisme des agrafes.
Autre détail, autre architecte, toujours le Forum des Halles :


Voici donc une image qui appartient (attention !) à la collection "photographie contemporaine de luxe", dans la collection "Présence Urbaine" en "Perfect Design"... Tout un programme donc !
Nous avons également le nom du photographe monsieur Philippe Etienne. La carte postale précise encore le nom de l'architecte Jean Villerval et le lieu, les Halles. On passera sur la faute d'orthographe du nom de l'architecte (Jean Willerval), cela arrive à tout le monde... Mais voyons ce que nous montre ce cadrage avec un tel programme !
Un morceau des façades de verre réfléchissant fait apparaître la ville ancienne fragmentée et brisée sur un ciel bleu tendu qui là aussi donne sa tonalité à l'ensemble. L'évidence d'une mise en question du rapport entre architecture moderne et ancienne se fait limpide : la ville ancienne, le Paris de Jadis est prisonnier, brisé, fragmenté, explosé dans la façade du Paris moderne aveugle par ses verres à ce Paris ancien. L'abstraction des formes modernes régulières exerce une force brutale mais chatoyante sur l'histoire et le pittoresque. Oui. Mais il est difficile de dire si Monsieur Philippe Etienne voulait là livrer un message négatif sur l'architecture moderne ou simplement constater ce que certainement l'architecte lui-même aurait pu développer : une architecture moderne sachant se faire le reflet de son environnement et qui s'habillera du Paris ancien par ses reflets pour sans doute mieux s'y fondre... s'y confondre. On connaît bien cet argument architectural qui veut jouer du camouflage, de la "transparence" voire de la disparition en étant l'écho par le miroir de ce qui l'entoure... Sauf que malgré les progrès des matériaux de construction, malgré le génie des images projetées, le miroir n'est jamais parfait et, mieux que de n'être qu'une surface nommant le monde, elle le brise, le casse, le ruine... Cela est beau sans aucun doute parfois mais ne relève pas de l'intégration, bien au contraire.
Regardons une autre carte postale de la même collection :


On pourrait croire à un détail de la carte précédente mais il n'en est rien même s'il est clair que le photographe est placé un peu plus en avant de son point de vue précédent. Il abolit totalement le repère de l'architecture dans son espace et le ciel hors reflet n'existe plus. L'architecture de Monsieur Willerval devient une sorte de grille déformante (fête foraine, Palais des Glaces)) au Paris éternel (et ici bien laid).
Car oui, ce Paris pris dans les déformations des glaces est un Paris bien pauvre à la poétique étriquée, crépis de gris, aux épouvantables garde-corps de fer forgé et à l'esthétisme du zinc terni.
Mais l'image est efficace à ce jeu d'oppositions.
Vous êtes encore là ? Vous êtes courageux !
Faut-il tirer une conclusion sur ce désir de faire des images autres, originales, artistiques ? 
Faut-il se moquer, aimer, regretter ?
Je crois qu'il faut aimer. Parce que j'imagine bien ces photographes à la chasse, sur le parvis, cherchant avec leurs appareils et leur objectifs à construire quelque chose, à poursuivre aussi sans doute l'œuvre architecturale et même à la comprendre. Tenter l'esthétisme, le beau dans la modernité c'est à la fois la reconnaître comme un terrain à cette qualité tout en affirmant la nécessité d'un travail du regard. Et, quoique l'on pense de ces images, de leur grandiloquence à fabriquer des "images", elles ont la politesse de nous dire cette attention. Et cela se respecte, se regarde et même j'ose, invente aussi l'espace architectural.
Merci de votre attention.

ps : évidemment, au moins, de ce beau Forum des Halles disparu, il nous restera ces témoignages.

dimanche 26 août 2012

Donation Bruno Tourmen par les éditions Berjaud

Passons un dimanche à Royan grâce à la donation de Bruno Tourmen reçue cette semaine par la poste. Cela mérite toute notre attention.
Nous allons une fois encore regarder la plus belle ville du Monde.
Celle qui sait parfois oublier ses admirateurs.
Par l'avion :



On pourrait dire que cette carte postale Berjaud à elle seule regroupe la quasi-totalité du Royan magnifique. Visant le front de mer on capte la poste, la galerie Botton, le Casino et presque toute la ville !
Ne nous manque que le marché...



... que voici !
L'animation autour de ce chef-d'œuvre est bien présente, c'est jour de marché ! Là encore la qualité du cliché est due à la maison Berjaud comme d'ailleurs encore cette belle carte postale du casino de Monsieur Ferret son architecte.



Ce point de vue est d'ailleurs assez rare et permet d'admirer une partie moins connue du bâtiment qui suivait ainsi le boulevard du front de Mer. On peut aussi voir le toit terrasse et la polychromie. C'était bien une merveille de cette ville.
La plus puissante :



Cette carte postale rend parfaitement la sidération due au surgissement de Notre-Dame de Royan. L'effet de symétrie accentué par le petit arbre un rien défraîchi du premier plan accorde encore plus de valeur dramatique à ce lieu.
Le ciel est parfait, le béton rougeoie parfois sous l'impression en Heliocast. La merveille se donne aussi à voir de l'intérieur :



Encore chez l'éditeur Berjaud nous pouvons regarder vers le chœur et percevoir les V Laffaille montant vers le ciel. Si on est attentif aux sensations on trouvera l'intérieur bien lumineux ce qui contredit un rien l'impression extérieure. C'est l'un des nombreux étonnements de cette église, la lumière passant en effet entre chaque V.
On notera que les éditions Berjaud nomment l'ensemble de l'équipe technique de la construction : messieurs Gillet, Laffaille, Sarger, Hebrard.
Cette petite promenade royannaise s'achève. N'oublions pas de remercier Bruno Tourmen qui entre autres choses s'occupe du Motel de l'eau-vive de Raon-l'étape dessiné par Pascal Haüsermann. N'oubliez pas d'aller y dormir. Sans doute que dans les coquilles de béton vous rêverez à un bord de mer magnifiquement reconstruit à Royan.
C'est souvent par les rêves qu'on tisse des liens entre les architectures.

 




samedi 25 août 2012

Candilis du ciel

Revenons un peu à Port-Leucate avec deux images qui nous permettent d'admirer le jeu des courbes et des grilles de cette ville dont on doit l'essentiel à Georges Candilis.
Regardons par exemple cette carte postale Iris qui nous montre le centre commercial :



D'abord nous admirerons la ville en chantier et le dessin des bassins. On dirait une ville posée dans un désert. Mais au premier plan ne peut-on pas admirer le beau dessin de ce centre commercial recouvert de petites pyramides et qui sait s'articuler en placette à son extrémité ?





Ne devine-t-on pas que le principe constructif naît d'une grille et d'un module répété à l'envi ? On retrouve bien ce type de construction dans le livre de Georges Candilis, Recherches sur l'architecture des loisirs. On nous explique qu'un morceau fut construit pour en étudier les inconvénients et avantages et que ce morceau était la Capitainerie du port. Le livre nous donne aussi à voir une belle projection en axonométrie du système constructif bien dans les manières un peu pop de l'époque. La structure se voudrait une nappe continue et transformable à loisir selon les besoins. La mobilité structurelle étant bien là une donnée de ce moment de l'architecture. Qu'en reste-t-il ?



















Et voici encore Port-Leucate depuis le ciel :



Ce très beau dessin organique qui aménage des terrasses à n'en plus finir est celui du Kyklos. Nous avions déjà visé là ce très beau bâtiment dont il semblerait que le cabinet d'architectes Gardia-Zavagno en soit finalement le créateur.
En tout cas cette carte postale Théojac donne toute la mesure de ce désir méditerranéen de terrasses ouvertes ou plus secrètes dont il est parfois difficile de comprendre les articulations. C'est simplement très beau et cela contraste évidemment parfaitement avec la logique plus régulière et orthogonale de Monsieur Candilis. Regardez comme le dessin déborde le bâtiment, le quitte presque pour rejoindre celui des espaces publics. On admirera également la parfaite maîtrise de la photographie de J.-C. Meauxsoone qui avait également réalisé le cliché précédent.

Recherches sur l'architecture des loisirs
Georges Candilis
Karl Krämer Verlag éditeur
1972