mardi 4 décembre 2012

Pyramides

Je reçois ce matin une publication des éditions P : Pyramides de Birgit Schlieps et Katharina Schmidt. Les deux artistes donnent à voir photographies en noir et blanc et dessins. Il s'agit sans doute d'un dialogue réussi mettant surtout en avant la charte graphique de l'ensemble de la Grande Motte décrite ainsi de deux manières bien connues de l'histoire de l'architecture. Opposer le dessin, outil même de l'architecte comme moyen de penser, à celui de constat du réel que propose la photographie est un jeu dangereux. On pourrait croire que le réel toujours plus fort ne donne aucune chance au dessin. Pourtant l'ouvrage parfaitement édité donne bien l'impression contraire. La rivalité des deux modes fait naître une complicité qui sert le projet de Jean Balladur et rappelle les qualités solides de son urbanité et de son architecture.
Car il serait aisé au vu des "images" de la Grande Motte de croire qu'il ne s'agit que d'une architecture graphique, de façades découpées et de plaisirs plastiques et formels. Or, toute la solidité de Jean Balladur, et on peut dire son génie, est dans la fabrication non pas d'une utopie autoritaire mais bien d'une attention humaniste voulant offrir au moindre point de vue (piéton, habitant, plagiste, automobiliste...) une vraie ville, un vrai paysage.
C'est bien là la beauté de ce jeu des deux artistes. La photographie toujours prise depuis le sol ne fait qu'enregistrer l'état actuel de la ville avec ses laideurs, ses abandons d'une vie de ville normale pleine d'errements publicitaires, d'aménagements urbains dégueulasses et d'automobiles dont il faudra inventer la nostalgie pour les trouver belles. Et même si l'absence de couleur de ces photographies allège l'effet insupportable d'une dégradation que l'on devine bien profonde on continue de percevoir les qualités remarquables de l'architecture de Jean Balladur. Comme si la couleur en moins on retrouvait une forme idéale et idéalisée d'un plan.
Le dessin surgit à ce moment-là, réglant définitivement cette question en affirmant parfois les détails mais également étrangement les erreurs. C'est beau aussi parce que c'est joyeux. Il n'y a là de visible dans ce projet artistique aucune remise en question de cette architecture. Et là, je m'oppose au texte de Ulrike Kremeier. Car s'il ne fait aucun doute que l'histoire de la Grande Motte est une histoire planifiée et politique, comment croire que ce travail de regards croisés pourrait accuser le caractère "autoritaire" de cette construction alors même que les deux artistes jubilent simplement, franchement de sa beauté et de ses spécificités ! Car ce n'est pas "malgré une planification centrale" mais bien GRACE à une planification centrale que les errements espagnols de l'aménagement du territoire maritime ont été évités en France et dans cette région. Au lieu de faire semblant de se placer dans la dénonciation inutile d'un acte politique fort (et démocratique) il serait bien plus heureux de constater que malgré la hauteur et l'ambition d'une telle décision, Jean Balladur a su rester à une échelle humaine et donc artistique. Mais l'époque et la critique contemporaines ont bien du mal à jouir, comme si l'intelligence de l'argumentation devait toujours se placer du côté de la négativité.
Reste que les Editions P, conduites par Denis Prisset nous offrent là encore dans leur très jubilatoire catalogue la preuve de la constance de leur univers. Le catalogue fourmille de publications auxquelles, sur ce blog, nous sommes sensibles : Gérard Traquandi, Bertran Berrenger, Josué Rauscher, et Denis Prisset lui-même.
Alors n'hésitez pas pour les fêtes à faire un beau cadeau... Merci Denis pour cet envoi.

Pyramides
Birgit Schlieps, Katharina Schmidt
Ulrike Kremeier
isbn-978-2-917768-28-0
12 euros seulement.

éditions P
info@editions-p.com
www.editions-p.com



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Souvenir du Banco !


Merci Tony pour cette petite douceur, signe de votre fidélité !
J'adore !
On devrait l'éditer non ?
Bien à vous.
David

dimanche 2 décembre 2012

Banco !

 J'aime apprendre.
Je voulais donc savoir qui avait bien pu dessiner le caractère typographique qui a fait la modernité de Royan, caractère typo que l'on retrouve sur les cartes postales mais également sur les vitrines des magasins et plein d'autres supports.
Ce ne fut finalement pas difficile de trouver que cette fonte typographique est due à rien moins qu'à l'un des plus célèbres dessinateurs-typographes : Roger Excoffon.
La fonte en question porte le joli nom de Banco ! Merci la revue étapes graphiques !
J'ai donc décidé ce jour de vous faire partager quelques cartes postales qui utilisent ce caractère. On en profitera au passage si cela est possible pour voir quelques morceaux architecturaux...
On commence par la voie royale !
Banco !



Cette carte postale déclare la modernité de Royan et comme elle a raison ! Le choix des constructions raconte bien la ville et ses richesses. Le jaune si caractéristique également de Royan est ici utilisé pour inscrire la typo. La carte postale Cap fut expédiée en 1970 mais est d'une conception bien plus ancienne.



L'éditeur Théojac préfère, lui, utiliser des termes qui évoquent le bord de mer. Le choix des images est pourtant quasiment le même que la carte postale précédente. Images qui d'ailleurs comme souvent avec les cartes multiples existent en solo.
Une série de souvenirs... souvenir de Caen, de Cherbourg, de Sens... On remarque que souvenir est au singulier.
Caen :



L'éditeur Cap opère un choix d'images qui nous permet de saisir aussi que la ville de Caen a dû, comme Royan, être reconstruite. Cela nous permet de saisir ici l'université de Bernard et Hur architectes et le très beau syndicat d'initiative tout de verre et de métal qui n'est pas sans rappeler le Restorama de Jean Prouvé à Royan ! On notera que l'architecte de cette belle petite perle est Monsieur Manson, nommé par l'éditeur. La carte fut expédiée en 1964.



La pin-up de la semaine :



La seule architecture intéressante est sans doute la belle pin-up au centre de cette carte postale des éditions Cap. On en admirera la structure, les courbes en appui, et des volumes très généreux !
Puis :



La ville de Sens se reconnaît dans un pont, sa mairie, ses péniches mais pas encore dans le centre commercial de Claude Parent ! Pas de doute que nous verrons bientôt une nouvelle éditions de cette carte postale avec cette fois la belle construction !
Un peu de local :



La ville de Mont-Saint-Aignan est située sur les hauteurs de Rouen. Cette édition Greff a attendu 1996 (!) pour être expédiée !



La ville de Rouen aussi passe par la typo Banco pour dire ses particularités et cela bien tardivement car cette carte fut imprimée au milieu des années 90 ! Quelle permanence pour ce caractère !
Plus intéressant sans doute :



Le Village Vacances Familles de Guidel est de l'architecte André Gomis. Nous avons déjà vu cet ensemble d'une grande qualité. La carte postale Jos fut expédiée en 1968 et nomme bien l'architecte.
Une petite gourmandise :



Un peu retravaillée la typo Banco ici nous permet de réunir quatre Villas alliant des styles très différents passant par le régionalisme propre au modernisme un rien amusé. Certainement une manière de permettre à chacun de se reconnaître dans une villa au moment du boum des maisons secondaires en France. Nous sommes en 1970 par les éditions Chatagneau.
Pour finir un beau bazar !



A Ronce-les-Bains, le magasin Tentation affiche fièrement la typo de Roger Excoffon là aussi sans doute un peu retravaillée.
Le magasin, en tout cas si on en croit la légende, "fait sensation " !
Et c'est vrai qu'enfant, ce genre de bazar était un rêve à visiter en descendant vers la plage ou en remontant de la baignade... Et c'est bien dans ce genre de boutiques que l'on achetait les cartes postales !
Je passerai sur la côte basque ou sur l'ile de Batz... mais je vous offre agrandis tous ces mots en beau Banco. Merci Mr Excoffon !




samedi 1 décembre 2012

Calder est très mobile

Il semble que le sculpteur Calder ait semé aux quatre vents ses sculptures. Il a parsemé les esplanades des architectures modernistes de ses œuvres, offrant souvent là les courbes et les couleurs semblant faire défaut aux architectures.
Parfois gigantesques, parfois plus modestes, les œuvres de Calder se prennent parfois pour des lieux, des espaces que les corps des piétons et des visiteurs doivent faire vivre. Comme une petite broche, un petit bijou posé sur l'austère revers du costume moderniste, le stabile (rarement le mobile !) s'amuse de sa proximité matérialiste avec les structures des tours internationales. On devine du métal plié, boulonné, découpé comme un échantillon tordu génialement. Comme si, avec le reste du métal, inutile à la structure de la construction à la fin du chantier, le sculpteur avait chalumeau à la main découpé et soudé une fantaisie joyeuse pour en orner les entrées.
Le dessin en est toujours parfait, l'échelle aussi et on verra que ce jeu amuse beaucoup les photographes de cartes postales qui y trouvent une animation bien... stabilisée.
Il fallait toujours, à une certaine époque, une sculpture moderne pour affirmer la modernité de l'architecture. Les œuvres atterrissaient là, un rien par hasard, un rien comme un signal, un rien comme une identité même. Aujourd'hui le syndrome moderne est passé sur les ronds-points qui savent sous le goût parfait de nos élus locaux nous offrir le magnifique catalogue des machins humoristico-débiles provenant d'un subtil mélange d'art contemporain mal acquis, de blagues potaches, ou encore des errements paysagers régionalistes à la mode de Chaumont. Il faudra vite en faire un inventaire pour mieux les détruire.
Reprenons donc vite une belle leçon de sculpture avec Calder :




Cette carte postale André nous montre bien comment la ville se représente moderne en 1977. L'éditeur dans cette vue-multiple nous affiche toutes les merveilles de l'architecture de la ville de Grenoble : palais des sports, tours, maison de la Culture, la mairie et enfin la gare avec sur son esplanade une œuvre de Calder que l'on voit parfaitement ici. Grenoble est moderne c'est certain !



Tellement moderne que l'éditeur de cette autre carte postale nomme "le Calder" directement sur l'image, comme si, toute ville moderne se devait d'avoir sa gare et son Calder !




Sur cette autre carte postale visant bien plus la gare, le photographe des éditions André ne peut s'empêcher de cadrer à la limite droite de l'image le-dit Stabile même s'il vise bien plus la gare.
Plus équilibré :



Cette autre carte postale de Grenoble du même éditeur rend mieux hommage à l'œuvre du sculpteur. On remarquera comment d'ailleurs celle-ci semble enfoncée dans le sol très bien dessiné également.
De nuit :



La carte postale la Cigogne cette fois nous montre bien avec l'éclairage nocturne la structure du Stabile de Calder. On notera que les éditeurs citent bien le nom de Calder et de son Stabile.
Plus parisien :



Niché au creux du canyon des tours de la Défense, le Stabile de Calder semble bien petit ! Pourtant on le devine comme centre de cette image, comme point de visée du photographe J.E. Pinet que nous connaissons bien. Ici Mr Pinet travaille pour les éditions Abeille-cartes. La carte postale fut expédiée en 1988 par votre serviteur à sa grand-mère ! Preuve sans doute de ma constance dans le goût pour ce genre de lieu !
Rapprochons-nous...



Cette carte postale nous permet encore d'apprécier le choc entre l'architecture et la sculpture de Calder. J'aime le monolithe noir de la Tour Fiat que l'on doit aux architectes Roger Saubot et François Julien entre 1972 et 1974. Les éditions Raymon font encore merveille avec Mr Pinet leur photographe. On s'amusera aussi de la silhouette féminine tout juste au bord de l'image ainsi que de l'arbrisseau qui vient briser la part un rien abstraite de l'ensemble. Un beau cliché vraiment.
On aura remarqué qu'entre les deux cartes postales des constructions sont venues remplir le vide sur l'esplanade !



Cette incroyable et magnifique carte postale Raymon nous montre la sculpture de Calder sur le parvis de la Défense. Très précise la carte postale nomme également les trois tours à l'arrière plan : Tour Générale, Tour Crédit lyonnais, Tour Atlantique. La belle photographie est du toujours talentueux J.N. Duchâteau qui permet au Stabile de prendre entre ses doigts d'acier les belles tours modernes. Le dessin de cette sculpture et d'une grande perfection alliant des vides courbes et des pleins rouges. L'ensemble tout en étant assez brutal est comparable à des arcs-boutants floraux. Plis, soudures, découpes, jonctions et lignes fabriquent non seulement une forme pour les yeux mais également un espace, un lieu et, oui, une architecture.
Similitude américaine :



Quelle carte postale !
On notera ici sur cette édition Illinois Distributing que c'est bien le Stabile de Calder qui est mis en avant puisque c'est lui qui est titré sur le recto de la carte postale. La très belle photographie de  P. Valdez nous place dans l'ombre du Dirsken Building qui est l'œuvre de Mies van de Rohe, rien de moins !
Là encore l'opposition entre l'architecture froide et subtile de Mies et la chaleur rougoyante de Calder fait merveille ! Quel étrange insecte de métal ! Voyez aussi comment cette fois l'œuvre de Calder rejoint le sol. Non pas en s'y enfonçant directement mais en prenant appui sur des petites dalles ce que je trouve vraiment moins bien qu'à la Défense. On la dirait posée au lieu d'être enfoncée dans le sol, ce qui change beaucoup. Mais quel dessin ! Quel élan graphique !
On retrouve notre Stabile à Chicago :



Cette carte postale met en opposition l'œuvre de Picasso à gauche et celle de Calder à Droite. Aero Distributing Co. parle des chefs-d'œuvre de Chicago ! Cela nous permet également de mieux voir la grille de l'immeuble de Mies van der Rohe à l'arrière plan.