dimanche 1 avril 2012

Michel Marot, architecte, nous répond

Quel plaisir !
C'est toujours émouvant et enrichissant de voir un architecte prendre le temps de lire et de critiquer un article de ce blog consacré à son architecture.
C'est le cas aujourd'hui avec Monsieur Michel Marot qui m'a contacté récemment et m'a envoyé des précisions sur l'architecture de son église de Sainte-Agnès à Fontaine-les-Grès.
Je vous donne son texte avec son autorisation. Vous verrez un style plein de verve, de fraîcheur et d'à-propos qui sait rétablir des vérités, donner un avis sans faire de leçon. Merci Monsieur Marot.
Et comme vous aimez les cartes postales, je vous donne en plus deux images de cette église. Ces deux cartes postales inédites sur ce blog proviennent de la Donation Catherine Schwartz. L'éditeur est inconnu mais le photographe est nommé : Claude Moignard de Rouen ! On notera qu'est bien indiqué le nom de l'architecte Monsieur Marot ainsi qu'il a obtenu le Grand Prix de Rome en 1954 !

Réponse de Michel Marot à la critique de l’église de Fontaine-les-Grès.


« Le clocher, plus que spectaculaire, d’une arrogance jouissive ».

Beaucoup d’églises de la plaine champenoise avaient encore il y a 50 ans des flèches en ardoise, afin de mieux propager le son et être vues de loin. Ces églises étaient davantage en charpente et pan de bois qu’en pierre et voûtes. Elles ont été source d’inspiration.


« Le chien assis » servant d’auvent au porche d’entrée et supportant la tribune d’orgue et de chorale est un rappel des auvents de granges comme le relate le texte écrit par la DRAC de Champagne-Ardennes à l’occasion de l’inscription aux Monuments Historiques, en mai 2010.

Les poteaux en bois sont inutiles mais ont été posés pour tranquilliser les paroissiens. Ils ne sont pas fondés, on pourrait les enlever facilement. En effet, la structure métallique de la toiture se prolonge pour soutenir l’auvent et la tribune en porte-à-faux.

Sans ces poteaux l’église paraîtrait plus moderne. Faut-il plaire aux résolument modernes, à la pointe de la technique ou tranquilliser le peuple craintif ? Eternel débat politique.

« J’ai beaucoup de mal avec ce mélange paysan et moderne ».

Pour assurer une continuité de paysage entre le passé et le présent, chaque architecte doit se poser la question qui chatouille David Liaudet. La couleur des matériaux de peau, tel le stock de tuiles existant, est un moyen utilisable pour respecter le voisinage tout en changeant les volumes pour répondre aux activités nouvelles.

« J’aime moins les points d’appui de biais qui passent devant le chœur ».

C’est le biais incontournable de la flèche. On utilise la même peau pour atténuer ces points d’appui métalliques. Toute la structure métallique est cachée par les lambris en pin du Nord qui était extrêmement clair il y a 50 ans. Des critiques disaient que l’église manquait d’obscurité « propice à la prière ».

Il est très agréable de recueillir de vives critiques sur ses œuvres âgées de 50 ans. J’étais à l’époque, et encore aujourd’hui, très sensible à l’esprit des lieux grâce aux églises de la région en pan de bois et flèche. L’innovation ou la modernité, pour prendre un mot à la mode, résida d’abord dans la triangulation générale suscitée par la forme du terrain, puis dans l’utilisation du verre armé ondulé pour des vitraux plus économiques et enfin par la participation de la flèche pour éclairer le chœur et aspirer le volume vers le haut.

L’apparition en 1950 de l’équerre mobile rendit plus facile la pratique de l’angle à 60° par rapport à l’angle droit si dominant. Aujourd’hui l’ordinateur permet de jongler avec les courbes, comme Frank Gehry, jusqu'à ce que l’on s’en lasse. Si l’on se préoccupe de l’esprit des lieux et des habitudes locales, on peut se libérer des modes, des angles et courbes et autres maniérismes..


Michel Marot - mars 2012




Cette carte est superbe ! Regardez le détail de la rampe d'escalier, comment la découpe du bois permet le passage de la main ! C'est là un détail qui dit beaucoup de la qualité de l'ensemble.